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Quand l’itinérance devient un jeu de blâme, où est l’aide réelle?

Lettre ouverte publiée dans le Journal de Montréal. Lire la lettre ouverte en ligne

SOURCE : Le Journal de Montréal


La situation dans les rues de Montréal est saisissante. Les campements s’étendent, et les démantèlements se multiplient au même rythme. Nous assistons à une montée des plaintes citoyennes, alors que les solutions à long terme restent en suspens.


Face à cela, les organismes communautaires sont en première ligne. Mais la vraie question demeure: que faisons-nous vraiment, comme collectivité, pour aider les personnes en situation de grande précarité?


Les OCTR (organismes communautaires en travail de rue), constamment sollicités, déploient des efforts considérables pour répondre à une crise qui dépasse les ressources disponibles. Les multiples réanimations font désormais partie de notre quotidien. Nos équipes ne peuvent pas gérer seules les crises des surdoses et du logement, ainsi que les tensions de cohabitation sociale. Les travailleurs de rue sont déterminés et créatifs face à une augmentation des demandes et une complexification des réalités et des besoins, dans un contexte où les référencements à des ressources saturées sont de plus en plus difficiles.


Fausse solution 

En plus du manque de soutien et d’actions structurantes de la part des différents paliers de gouvernement, notre capacité d’agir est mise à mal par des décisions politiques et des compressions budgétaires. Notamment, l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS) qui a été déployée pour apaiser les tensions dans l’espace public et qui est finalement utilisée pour déplacer les personnes en situation d’itinérance d’un endroit à l’autre, sans offrir de soutien réel à long terme.


Nous, travailleurs de rue, construisons des relations de confiance avec les personnes marginalisées, les accompagnons dans leur quotidien dans leurs milieux de vie, à leur rythme. La multiplication des approches de proximité et des intervenants sur le terrain nuit à notre sécurité, aux liens que nous bâtissons, et plus globalement à l’impact positif de notre présence dans la vie des personnes accompagnées.


Nous nous désolons de voir que la crise de l’itinérance est devenue davantage un enjeu électoral qu’un enjeu de droits de la personne; l’itinérance comme un problème à instrumentaliser plutôt qu’à résoudre. Les annonces se multiplient pendant que les actions se font attendre.


Les citoyens sont en droit de se sentir démunis et impuissants. Qui peut reprocher à une mère de s’inquiéter pour ses enfants lorsque des campements apparaissent près de chez elle? La peur et la culpabilité publique sont alimentées par la Ville et une couverture médiatique angoissante. Nous devons cesser de traiter l’itinérance comme un simple problème de gestion de nuisance publique. Il est temps de reconnaître la crise humanitaire urgente derrière ces situations.


Un appel à l’action

Nous avons besoin d’un plan d’action global, co-construit avec les élus et les communautés. Les travailleurs de rue ne sont pas des pompiers, et collectivement, nous ne pouvons plus nous contenter d’éteindre des feux, crise après crise. Il ne suffit plus de discuter des symptômes – les campements, les surdoses, les tensions – nous devons nous attaquer aux causes profondes: le manque de places d’hébergement d’urgence et de logements sociaux, l’explosion des substances contaminées et l’absence de soutien pour les personnes en situation de précarité.


Tant que les véritables solutions structurelles ne seront pas mises en place, nous continuerons de courir après des solutions temporaires insuffisantes sans retombées pérennes.


Nous appelons la Ville de Montréal à prendre ses responsabilités en regard de la crise sociale actuelle. Nous demandons un dialogue constructif avec tous les acteurs impliqués pour élaborer des solutions durables et un plan d’action interministériel cohérent qui tienne compte des réalités sur le terrain. Nous demandons la revalorisation des OCTR par un financement adéquat, à la mission, ainsi que l’augmentation et la récurrence des financements alloués aux organismes engagés dans la lutte contre cette crise sociale. Enfin, nous prions la Ville de cesser la multiplication des approches de proximité, au profit de la reconnaissance de l’expérience de 40 ans du travail de rue.


La peur et l’impuissance ne doivent plus dicter nos réactions. Bâtissons une communauté plus solidaire et sécuritaire avec des actions concrètes, de la volonté politique et une mobilisation collective. Prenons des mesures face aux crises actuelles et engageons-nous dès maintenant à prévenir celles de demain.


Délégation montréalaise du Regroupement des organismes communautaires québécois pour le travail de rue (ROCQTR)

Tania Charron, directrice générale, Action Jeunesse de l’Ouest-de-l’Île

Joelle McNeil Paquet, directrice générale, L’Antre-Jeunes de Mercier-Est

Maxime Bonneau, directeur général, PACT de rue

Martin Pagé, directeur général, Dopamine

Line St-Amour, directrice générale, Plein Milieu

René Obregon-Ida, directeur, Rue Action Prévention

Alexandra Pontbriand, directrice adjointe, Spectre de rue

Cédric Cervia, directeur adjoint, Travail de Rue – Action communautaire


Appuyée par le Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes à Montréal (RAPSIM)

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